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Brèves musicales

Les aveux de Laïus

Créer une chanson, une confession ? Texte écrit après avoir écouté le PodCast de Bookmakers sur ARTE Radio (https://www.arteradio.com/serie/bookmakers/1627)

Mes doigts volaient au-dessus du manche de la guitare, enfin mûrs pour composer cette première chanson. 

Mais quel était le sujet traité ? Son titre ? Vais-je bien joué ? je n’en avais aucune idée.

Je voulais juste essayer de sortir les notes sans leur faire violence et de chanter ces mots avec ce seul souci d’être compris.

Jouer et chanter, tactique de survie pour contenir ce réel qui roule vers nous tel un train dans la nuit.

Mon corps entier est instrument de musique. Je ne veux pas être une pierre, je cherche de nouvelles sonorités sur ma guitare et des paroles faisant mouche sur les pages de mon cahier.

Chacune de mes chansons est un serpent changeant de peau. Un nouvel univers intérieur qui se dévoile à vos oreilles.

Ecrire une chanson, c’est voir le monde par la fenêtre du car qui avance. J’y vois le bitume et des constructions toujours plus hautes. 

Du coup, je vis à Cébazan, village du Sud Ouest de Béziers et je m’y sens bien. Il est ce doux filet de protection me permettant de créer mes acrobaties poétiques et musicales.

J’ai fui le bruit du métro avec ses portes automatiques pour une corne de brume. C’est un instrument d’eau ! Au son de plainte qui prévient des éventuels périls. Quand le combat est truqué, que les dés sont pipés, il me reste ce cal formé sur ma peau.

L’âge avance et je me rends bien compte du temps qui passe. Chaque journée est un cri, celui d’être en vie et de s’autoriser à extérioriser ce que l’on ressent. C’est comme dormir tout l’après-midi sans que personne ne nous punisse. On navigue entre dedans et dehors et on ré-imagine le monde en couleur fuchsia. 

Combien de chansons écrit-on quand on souffre ou par manque de souffle ? Composer une song est un acte intime qui permet de mettre en forme les incompréhensions de ce monde. Entre souvenirs réels et fabulations, il vaut mieux germer que gémir, nourrir la plante que la plainte et accepter de voir en ce quotidien, la noblesse qui l’entoure. Créer une chanson, c’est beau même si elle est en do majeur.

Le bureau devient la chambre où rêve et écriture s’apparentent. Et à chaque coup de crayon, je travaille ma propre langue pour qu’elle soit comprise par le public. Que mes chansons compteront pour vous et vous accompagneront.

Une chanson, c’est une émotion qui a profité du tamis, d’un peigne qui y retient l’essence du vrai.

Prenez bien soin de mes chansons, de ces sucreries musicales, de mes secrets chantés. Ne les découpez pas en un coup de sabre trop audacieux, accueillez-les comme un endroit où l’on habite un temps. Une prairie poétique, une permission à penser le monde autrement et à y trouver place. 

Chaque chanson est une cabane. Ce que je crée s’adresse à nous ; car fabriquer des chansons nous permet d’être pris dans le genre humain.

On ne sait pas combien il est troublant de clore une chanson, de refermer la porte d’un lieu aimé, dont on a refait la toiture tout l’été, dans laquelle on a vécu jour et nuit et que l’on quitte soulagé et fourbu.

Cette fatigue accumulée me sert aujourd’hui d’énergie à me présenter devant vous. Mes chansons arrivent enfin à vos ouïes telle la rivière qui ruisselle. De l’amphi à l’ampli, la chanson est une soeur, elle est dialogue, elle est à vous, elle est des leurs. Assis à l’intérieur de vos esprits, entrons dans mes confessions, en chanson.

Laïus.