Catégories
Billets d'humeur musicale

Chansons, coronavirus & vacances d’été 2020

Je ne vous parlerai pas de la période allant du mois mars à juillet 2020 – temps du coronavirus – sorte de pandémie macabre touchant tous les secteurs de notre société dont celui de la Culture et de la chanson qui nous intéresse ici.

Des bouleversements du COVID-19 à l’accalmie de l’été 2020

Je ne vous parlerai pas de la période allant du mois mars à juillet 2020 – temps du coronavirus – sorte de pandémie macabre touchant tous les secteurs de notre société dont celui de la Culture et de la chanson qui nous intéresse ici. En effet, si le virus circule bien, la musique elle-aussi continue de pulser son rythme à nos douces oreilles. Et si on entre dans une bonne chanson par la musique, on y reste pour le texte comme le soulignait Alain Bashung. Alors approchons-nous et regardons un peu par le trou de la serrure.

Puisque les mots ne sont pas aléatoires mais bien choisis, je dis « Ainsi soit-il ! » et souhaiterais dresser dans cet article au couleur de l’été, loin des discours convenus et d’une confiance parfois aveugle en une hypothétique fin du coronavirus – qui circule toujours – une photo d’ensemble de ce premier voyage au pays du confinement offrant de belles choses à penser et à dire.

En effet, c’est un impératif pour tout artiste de garder sa propre pensée et de la faire évoluer afin de réussir à tordre le cou aux vieux clichés : le son n’exclut pas le sens et la légèreté musicale ne signifie pas forcément que la chanson est insignifiante. Idem, ce n’est pas parce que l’on est confiné à son domicile que l’on ne voit pas clair sur le monde qui nous environne.

Certes les temps sont durs mais je vous propose de faire un zoom sur la météo de cet été 2020 pointant son nez avec ce triste record de pic de chaleur. C’est le second mois de juin le plus chaud jamais enregistré exæquo avec celui de 2019, bref, rien ne n’arrange sur notre belle planète concernant les dérèglements climatiques. C’est comme les chansons de facture plus littéraire, elles sont absentes des ondes radios. A croire que les propos réfléchis des artistes et des scientifiques n’intéressent plus grand monde excepté quelques personnes à la recherche d’un dernier phare en fonctionnement.

Ainsi, puisque le temps est venu d’être en réunion avec soi-même comme à l’époque des cache-caches sous son lit, puisque le chez nous est un toit ouvert sur un ciel non choisi et qu’il semble dorénavant impossible de conjurer ce mauvais sort même en plein air, prenons le temps de faire des chansons en gardant l’œil ouvert sur cette mère nature. En effet, la chanson est une forme d’expression qui tient sa mesure dans la personnalité de l’individu et du rapport qu’il entretient à son environnement. La musique est un Art mais les styles évoluent comme tout fruit de cultures.

Il ne nous reste plus qu’à aller piocher partout où l’on trouve de quoi se ressourcer.

Agnès GAYRAUD, page 121, interview dans la revue HEXAGONE #15, printemps 2020.

Comme vous le savez, les réservations dans les salles de spectacles ne sont plus honorées par le public, alors honorons-les nous-même en réalisant des œuvres poétiques dont on sera fier longtemps même si elles ont été construites en période de confinement. Préparons-nous au grand changement car c’est enfin l’heure de traverser les 7 vallées comme l’oiseau le Sîmorgh le fait chaque année. Il est tout à fait possible de tenir des publics de bar en haleine. L’Unplugged de Nirvana a apporté ça, être touché par l’expression simple d’une guitare acoustique. La chanson a cette capacité à nous raconter un pan de vie en quelques mots telle une flèche allant droit au plus profond de notre cœur d’animal ; ce genre d’émotion si poignante réveillant en nous ce quelque chose de bienveillant qu’on attend. Certaines personnes retrouvent leur histoire personnelle dans des chansons très intimes et cela me semble fabuleux de produire un tel effet imprévu une fois extériorisé.

Et en ce sens, on retrouve un peu de cette magie en cette période de crise, là où les portes se ferment, de nouvelles quêtes s’ouvrent. Face aux myriades de perceptions possibles devant cet événement sanitaire planétaire, restons responsables et œuvrons pour de nouvelles organisations, de nouvelles règles qui risquent de régir pour longtemps notre quotidien à venir en tant qu’artiste et public. Cette lueur d’espoir doit nous encourager à scier les barreaux afin d’être davantage tourné vers le ciel que le sol, vers l’avenir que le passé. Rien ne serait pire que de croire en rien. Même les anges s’égarent sur terre comme Diego, libre dans sa tête derrière sa fenêtre.

Précarité ou Solidarité pour les artistes ?

Privés de concert pendant le confinement, les artistes, les professionnels des régies « son et lumière » comme le public ont dû se réinventer et un certain nombre d’interprètes ont à ce titre proposé des concerts en direct de chez eux via les réseaux sociaux (Facebook, Instagram) afin de proposer des temps de partage via l’outil Internet. Peut-être le désir de se métamorphoser et d’exprimer des choses moins conditionnées, de partir à la recherche de choses nouvelles et audacieuses.

Le premier avantage de cette formule est sa pérennité et ce, qu’importe l’audience même du live. La billetterie ne fera pas cette fois-ci force de Loi. Deuxième avantage, les frais financiers inhérents à la mise en place d’une tournée de concerts diminuent grandement car ils se tiennent à domicile. Pas de nuit d’hôtels à payer, de frais d’essence à avancer, etc. Enfin, le carnet d’adresses peut être maigre concernant les programmateurs musicaux des salles de spectacles, cela n’empêche pas l’artiste de se produire.

Mais au-delà de ce côté pragmatique, il existe aussi des désavantages à la formule et certains lives étaient de mauvaise facture (son et image médiocres) malgré l’envie de bien faire de l’artiste et cette forme d’excitation pour un nouveau format encore inconnu. Tout rendez-vous demande un minimum de préparations me semble-t-il. On ne peut pas être que dans l’autoportrait sans risqué que le parebrise se fissure.

Ainsi, certains artistes singuliers se sont rompus, voire amusés à ce type d’exercice d’un nouveau genre même si pour certains, chanter dans « le vide » face à ses étagères, n’est point chose aisée ; le plus difficile étant bien souvent de se lancer… En effet, sans s’en rendre compte on est entouré d’Art dans notre quotidien : de musique et d’images qui sont les sources mêmes de l’empathie.

Puis surgit la question des pouces bleus (likes), des commentaires avec leurs smileys associés… Que faut-il faire ? Les lire, les bloquer, y répondre tout de suite, plus tard… comment retisser ce lien avec ce public en distanciel ? Comment conserver cette alchimie, faire la voix sans la perdre en chemin et avoir l’envie au final que les gens apprécient.

Et quand la chanson se finit pour l’artiste, pas d’applaudissements, seul ce silence absolu face à sa caméra, même pas de papillon léger pour traverser la pièce qui raisonne encore au son de la guitare. Mais dans les faits, dire beaucoup avec peu, c’est une volonté j’imagine ?

En fait, non seulement la mise en place de lives ne s’improvisent pas, mais il faut également investir un minimum dans le domaine de la lumière, du son et de l’image ; certains vont même jusqu’à se maquiller et réfléchir à la manière de clôturer la fin de leur concert. Quant au contenu, lui aussi, il doit être réellement prêt même si une part d’improvisation dans la setlist est toujours possible de la part du chansonnier.

Mais malgré cette authenticité, cette spontanéité et cette relation au public identifié donnant lieu à de vrais concerts, ces moments offerts l’ont tous été de façon quasi bénévole. Est-ce possible de continuer à jouer gratuitement ? Normalement, la culture a un prix. La question de la durée du concert (courtes performances ou au contraire no limit), de leur fréquence (une fois par semaine ou par an) et du phasage (action faisant partie d’une promotion plus globale ou bonnement offerte) sont autant d’éléments à interroger. Ces RDV devront certainement rester exceptionnels pour un bon nombre d’artistes car le sujet de la pérennité du métier d’artiste se pose vite.

Ainsi, pas de chômage partiel pour l’artiste que je suis. La précarité, je la connais depuis bien longtemps dans le milieu artistique. Heureusement que j’exerce une autre profession pour subvenir à mes besoins essentiels. Loin d’être à l’équilibre, la musique m’a toujours plus coûtée pour le moment que rapportée financièrement. Avec la COVID-19, et bien, c’est encore pire.

Pour autant, je ne suis pas pieds et poings liés, au contraire, je me sens libre durant cet événement où les annulations en tout genre ouvre des espaces inattendus pour tout artiste. Cela nous oblige à requestionner l’existant et à sortir d’une certaine zone de confort. A apprivoiser le pouvoir du jour et lorsque cet isolement aura pris fin, mieux revenir vers son éventuel public sans limite.

Quelles rencontres possibles avec le public ?

La rencontre avec le public ne passe pas forcément par une présence en physique, je l’écris depuis des années sur ce blog. Nul besoin de faire des concerts dans des salles de spectacles tellement grandes que l’émotion à l’artiste est absente et que la sonorisation proposée est bien trop forte pour des oreilles d’humain. Suffit pour cela de voir les « one to one » de la blogothèque.

L’émotion ressentie est avant tout intérieur, ne l’oublions pas.

Ainsi, il faut être artisan de sa vie et ne pas se poser trop de questions. Là, est la réussite. Toutefois, cumuler les rôles reste difficile pour l’Artiste qui ne doit pas oublier de se centrer sur son Art. Rien ne sert de monter très haut si c’est pour être oublié très vite.

Lors de cette période caractérisée par ce couvre-feu sanitaire, avec l’arrangeur Frédéric MOUGIN, j’ai pu avancer sur deux nouveaux titres et trouve cette avancée plutôt chouette et convaincante. En ce sens, on a de la chance d’avoir pu étoffer et de finaliser ces deux nouvelles chansons au cours de cette période si troublée. Reste à les faire connaître à notre public partisan, car il va y avoir énormément d’artistes qui vont chercher à gagner en visibilité au niveau des médias à la rentrée de septembre 2020. L’effet d’entonnoir va être important. Pour autant, nous avons envoyé les titres à quelques attachés de presse afin de savoir s’ils accepteraient de porter ces morceaux auprès des radios. Il ne faudrait pas que ces deux nouvelles chansons prennent la poussière.

Il est encore difficile pour la chanson française d’entrer en playlists sur les radios et les plateformes de streaming mais je ne désespère pas. Ce dernier bénéficie principalement à la musique urbaine et à la grande variété mais il doit bien rester un peu de place pour de belles chansons. Peut-être que les auditeurs en auront marre des faits d’actualité et privilégierons enfin la rêverie présente en chanson.

La promotion embouteillée en septembre 2020

Pour moi, pas de « vie d’avant » avec l’arrivée de ce coronavirus ; être diffusé sur les radios était déjà difficile ! De plus, je ne suis pas forcément ok pour une gratuité de la Culture. Quand je vois que l’Opéra de Paris diffuses ses ballets gracieusement sur Internet, est-ce que l’adaptation doit se situer à ce niveau là ?

Les espaces de commentaires se remplissent et deviennent des faire-valoir pour certains fans sur les plateformes de live en direct s’affichant ainsi devant des milliers de personnes connectées. Toutefois, certaines belles interactions se multiplient entre l’artiste et les fans et de nouvelles demandes émergent jusqu’au désir de la « carte blanche » pour l’artiste. Du coup, le meilleur y côtoie le pire obligeant les artistes connus à se réinventer au gré de leur propre matériel disponible à leur domicile.

Les lives virtuels se multiplient et ces concerts via Internet ne tardent pas à trouver leur public. Progressivement, la musique s’entremêle à la personnalité de l’artiste et les paroles des chansons épousent l’humour de l’artiste donnant lieu à une ambiance tout à fait particulière. Du coup, mon idée de départ étant celle-ci, je suis dans l’obligation de retravailler ma proposition au regard de ce qui s’est passé durant cette période sanitaire.

Il est à noter que de nombreux citoyens ne vont pas en concert car ils n’aiment pas le contact de la foule ou bien ne le peuvent pas. Du coup, là où quelques artistes apparaissaient un peu comme des « Dieux » aux yeux du public, certains d’entre eux se donnent à voir de manière plus accessibles ; faudrait juste éviter le pyjama ou la guitare dans la cuisine (hic !).

Dans les faits, la crête à tenir est ténue entre une réelle convivialité offerte au public et faire vivre son confinement angoissant aux autres. Sans parler que cette approche ne rémunère en rien les artistes. C’est juste une façon d’entretenir le lien entre l’artiste et son public.

De nouvelles organisations à penser pour faire vivre les chansons

Dans ce contexte, certains artistes se rapprochent de service comme Patreon qui aide à établir des relations directes avec les fans les plus engagés en leur offrant des avantages tels que du contenu exclusif en échange d’un abonnement mensuel. Ou bien ne baisse pas les bras et opte pour des plateformes numériques plus rémunératrices comme Bandcamp. C’est une boutique de disques en ligne où vous pouvez découvrir de la nouvelle musique fantastique et appuyer directement les artistes qui la créent. Pas mal, non ?

Ainsi, les deux nouvelles chansons créées n’ont rien à voir avec l’actualité du moment. Selon moi, l’objectif de l’artiste n’est pas de réagir voire de surréagir à la situation que l’on vit actuellement mais bel et bien d’amener une proposition de qualité qui va résister au simple fait divers.

En effet, en quelques jours d’innombrables chansons ont émergé sur les réseaux sociaux de la simple reprise à la goguette satirique essayant de devenir de véritables hymnes à l’actualité confinée.

Il est clair que le besoin d’évasion, de légèreté voire d’humour est réel de la part du public mais la durée de vie de ces chansons est de l’ordre du Kleenex.

A moins, d’être chanteur humoriste, écrire des chansons sur l’actualité font de celles-ci des marques du temps sans en être de réels marqueurs de la société.

Écrire une bonne chanson demande du temps et opter pour la production quotidienne si elle se tente, s’épuise très vite au final sauf si on se nomme Francis Cabrel et qu’on possède un tel réservoir de chansons maîtrisés que le confinement aurait pu durer une année.

La nouveauté demande du temps et pour certains artistes, la pandémie freine plutôt leur cerveau.

J’estime qu’il est compliqué de réagir à l’actualité : il faut le temps de la digestion

Cyril MOKAIESH, page 14, entretien Paris Beyrouth, à la loupe, printemps 2020 dans la revue trimestrielle de la chanson #15 HEXAGONE.

En fait, le confinement repose la question que les jeunes créateurs ont toujours en tête, comment passer de la création d’une œuvre à son partage auprès du public…

Internet oblige les artistes à sortir des schémas traditionnels du fait que dorénavant tout le monde a du réseau intégré sur son téléphone portable et que la vidéo accompagne le son. La latence doit laisser place à la cadence, l’attente à une certaine forme de réactivité et la présence envers son public peut revêtir des habits différents respectueux des gestes barrières.

Peut-être devrait-on différencier les concerts improvisés des chansons qui doivent être, quant à elles maîtrisées par l’artiste ? Les représentations sont toujours possibles mais posent la question du financement et des modes de diffusion, la vidéo étant de plus en plus incontournable pour ce public amateur de chanson. Cela oblige l’artiste a maîtrisé de plus en plus l’entièreté de l’écosystème de l’industrie musicale et à en faire des êtres super-polyvalents.

Retenons qu’il y aura bien une fin au coronavirus !

Dans l’attente du développement de traitements contre le coronavirus, le futur proche est encore fait de brouillard posant toujours plus de questions que de réponses consolidées. Les faillites dans le milieu culturel seront nombreuses et la bulle spéculative des têtes d’affiches au proportion démesurée se dégonflera pour un temps concernant les festivals.

Finalement l’arrivée du coronavirus a permis de remettre de l’intime au cœur de la vie humaine et dans cet esprit, il n’est peut-être pas souhaitable que le retour à la normale se réalise sans prendre tous ensemble le temps de la réflexion du métier d’artiste. En effet, on pourrait aimé l’idée que la pratique soit déconnecté du réel. Que la dimension acoustique du Sud perdure au-delà d’une musique plus dure et électrique au Nord.

Ainsi, aspirons à vivre des concerts plus respectueux de l’environnement et plus porteur en nombre de personnes qui y assistent. Pourquoi faire une journée entière de bus sur l’autoroute pour 400 spectateurs quand on peut réunir plus de 6000 personnes via les réseaux sociaux ? La question mérite d’être posée au moment où notre bilan carbone n’a jamais été aussi élevé en raison de l’activité humaine.

Ainsi, le COVID-19 n’aura pas été qu’un virus mortel, il aura également joué ce double rôle d’alerte et d’antidote face à ce monde tournant de plus en plus à l’envers ; il a eu ce mérite de nous obliger à nous arrêter pour entrevoir un nouveau horizon sur ce que pourrait devenir le « spectacle vivant  » dans un futur proche colorant le vers de nos chansons en vert vertueux. A nous de trouver la solution du Rubik’s cube car il n’y a pas plus tranchant que le couteau que l’on aiguise et il ne faudrait pas que l’on pleure tous comme à la sortie d’un concert de Barbara en se disant « Mince, il est trop tard, les Artistes sont devenus vulnérables » !


2 Bonus

Enora Malagré lit Jean-Pierre Verheggen en français – De la poésie dans un monde de brutes (3 minutes).

Qu’est-ce qu’un concert selon Emily GONNEAU suite au confinement lié au Covid-19 ? (Vidéo de l’IRMA, 17 minutes)