L’extérieur vient frapper à la porte, la pluie, le vent et puis… le silence de la nuit.
Au matin, la rose perle et un oiseau s’envole. Le battement de ses ailes produit de la musique et me voilà déjà transporté en des lieux inconnus.
Un piano accordé dans le salon d’un château, une émission écoutée en cachette sur le vieux transistor du garage, une malle magique trouvée au grenier.
Le sort était convenu, il existe réellement de beaux objets, des choses fantastiques, une malle tel un sac qu’on emmène partout avec nous.
A vrai dire, le sac est une façade, il donne à lire qui nous sommes. C’est le lieu de nos futures croisades et des motivations opaques tenus du bout de nos doigts.
En y plongeant, on va vers le flashback avec ce vieux billet d’un soir de match. Il se place entre Télémaque et Andromaque, entre Bergerac et l’île de Pâques.
C’est le micmac qui nous suit partout et qui sait tout. Il est le hamac de ma vie, le Kodak de nos actions et le zodiaque de mon intérieur bric-à-brac.
Alors quand je le pose, je dépose tout ! En vrac. Entre bravade et rigolade, j’autorise à cette matière souple de se reposer bien au chaud, comme cette lettre bien re-pliée au fond de mon sac de peur que son envoi m’entraînerait direct vers un cul de sac.
Destiné à recevoir des objets, à me protéger de la pluie, à être l’excuse facile pour partir car oublié, il est la poignée de mes trajets et de mes projets.
Bien sûr, se trouvent au fond du sac des bonbons et dans sa petite poche intérieure de velours, une photo qui compte.
Avec précaution, il m’arrive de la sortir pour la contempler à côté d’un paquet de mouchoir pour me souvenir.
Cette photo est un feu d’artifice, une aurore boréale, le cliché de ce que j’aime.
La chose était donc convenue et plutôt rassurante, certaines personnes comptent. Il fallait maintenant les retrouver et tenir dans la durée tel un feu de cheminée.
Toujours au fond de la malle, qui s’était découverte à moi sous ces combles, j’y voyais un trousseau de clés, de vieux papiers et des francs jaunis par le temps. Il y avait aussi ce mini-coffre à jouets renfermant mon enfance. Des petits soldats dans une boîte en métal, quelques images Panini tenues par un élastique près à lâcher et ce doudou marron clair.
Il y avait aussi des choses qui m’énervaient à l’intérieur mais la liste serait trop longue. Un cadeau non désiré, un vêtement fétiche abimé, une poussière grattant l’oeil, un moustique qui pique à l’apéritif, un chien qui aboie la nuit, le robinet qui goutte au rythme de la pendule et celui qui croit toujours avoir raison et qui n’a pas forcément tort.
Bref, il y avait dans cette malle, un amas de petits riens qui faisait ma vie. Tout est dans le détail, ces choses qu’on énumère à l’air, qu’on dénombre dans la pénombre, qu’on liste matérialiste. Des chaussures de bébé, un joli livre broché, une roue qui manque à une voiture Playmobile, un album rempli de photos…
Ces belles choses ont leur triste pendant. Les guerres. Les amis qui partent. La fin du bal. Le feuillage des vignes d’automne quand il passe du roux flamboyant au marron terne et ce fichu déménagement.
Ce dessous de toit, finalement, me plaisait bien. J’aurais aimé rester. C’était un grenier magique comme on les imagine dans les contes de fée mais je devais redescendre ; redescendre pour de bon.
En effet, parmi les choses, se trouve aussi les choses de la vie et on m’avait apposé ce « non », un de plus, comment vivre sans domicile, sans chaleur, sans certitude de l’avenir.
Je devais faire l’inventaire, ce registre matériel qui découpe nos vies comme une tranche de gâteau. Un trou dans mon pneu. Oublier son propre mal-être et cette ronce qui pique la jambe. Pas de dé à coudre pour le mollet. Juste mon calepin avec mon stylo pour tout noter. La date de vente définitive de la maison approchait et le moteur de la voiture déjà tournait.
Je plaçai donc provisoirement le sac trouvé dans la malle en haut de l’armoire bretonne. Plus besoin de ce vieux téléphone portable Nokia, de toutes ces cartes commerciales et de ces vieux tickets. Je pris juste mon couteau Suisse, la paire de lunettes de vue et de quoi payer pour mon café habituel du matin avec mes papiers. J’y verrai plus clair après, bien loin des moumoutes de poussière.
Ainsi, assis à la terrasse d’un café à l’ombre d’un parasol délavé, j’observais ce quotidien défilé avec mes yeux flous.
Une tasse à la main, café nature à côté des pigeons habitués, ce terre-plein continuait de me couper l’horizon avec en bruit de fond, le tumulte de la ville me rendant de plus en plus sourd.
Je sentais bien que sous ma chaussure, un gravier résistant à la maçonnerie uniforme de cette grande dalle parisienne me faisait du pied, je me pris à rêver de l’odeur du sirop des orangers.
Je devinais à sa voix qu’une grand-mère s’occupait d’un enfant dans l’allée et qu’une silhouette certainement de jardinier se dressait sur les massifs de fleurs dérangées par des chats de nuit errants.
Là, j’oublie le reste pour quelques heures, le temps d’une terrasse en été. Il serait si bon de s’échapper, car regarder en soi, c’est si dur.
Je m’évite donc et préfère scruter les passants déambulants sur le trottoir à qui tient la laisse ou compter les voyageurs qui descendent du bus plutôt que de me perdre dans le reflet de ma fontaine.
Je l’aimais bien cette maison mais j’allais devoir la quitter, tout comme cette terrasse aux habitudes bien ancrées. Demain m’appelait. L’inventaire aussi !
Laïus