C’était la fête en ce jour de Noël sur les terres enneigées à ce pays sans nom. Au sein du logis, tout y était magique, se rappelant les uns-les autres les bons souvenirs, vertu de Noël.
La guerre semblait bien loin en ce jour étoilé. C’est comme si les décimations avaient été une comptine numérique apprise en classe de neige.
Mais j’ai bien vu que la nuit était muette, même le rouet ne ronronnait plus. Notre pays n’était plus charmant. Les navires volants, la généralisation des idées populaires et ses bâtis flottants donnaient au paysage un décor venu d’ailleurs. De plus, dehors, les récoltes étaient bien maigres obligeant les chefs de la Cité de l’Atlas à débudgétiser les achats initialement prévus alors, qu’il fallait investir pour lutter contre ces nouvelles maladies.
J’ouvris donc le cahier de chant à l’onglet « joyeux » et me remémorait les larges clartés de ces doux airs de musique. Quelle douceur de tenir ces traditions en ces temps incertains !
La déchristianisation était déjà loin, en ce nouveau pays la solennité l’emportait dorénavant sur la spiritualité. A force de vouloir conquérir le bonheur, le trifouiller de bas en haut, on en oublie de vivre auprès de nos proches, ces petits plaisirs qui fondent un quotidien heureux.
A ma droite, je sentais l’odeur de la grosse bûche destinée à alimenter l’essentiel du feu pour cette veillée et c’était bien. Là, tenant dans ma main ma moque chaude, cette jatte en porcelaine fêlée me réchauffait mes mains et le coeur.
Même si je n’oubliais pas que dès demain, je participerai à cette contre-révolution et que peu d’entre nous en reviendraient.
Étais-je fou ou est-ce qu’une forme d’inconséquence m’avait envahie de vouloir ainsi courir à sauver le pays ?
Mais il était temps de renvoyer ces envahisseurs sur leur terre de pacage, de bloquer leurs convois militaires et de récolter enfin les fruits de notre dur labeur à notre faveur. Tel était mon voeu en cette soirée sacrée… et d’emblée le chant de Noël entamé par les proches me sortit de mes pensées et me rappela que ce soir, c’était un événement heureux. Un cadeau de bien-être offert aux gens qu’on aime accompagné au loin par les cloches de Noël marquant le passage du glas joyeux de l’instant aux risques encourus par le lendemain.